Allocution funèbre prononcée par André Mudler le 21 août 2023
C’est au nom de l’amicale Royal Deux-Ponts/99e et 299e RI dont Maurice Passemard était membre d’honneur que je prends la parole pour évoquer son parcours militaire. Trois volets : l’homme qui a fait la guerre, l’officier de réserve et le dessinateur de talent, transmetteur de la mémoire combattante.
Mon colonel, cher Maurice,
Après 99 ans et 2 mois de face à face, la grande faucheuse a eu le dernier mot.
Il y a quelques années vous évoquiez le souhait d’atteindre 99 ans, ce nombre tant de fois prononcé, et qui vous tenait à cœur depuis décembre 1944. Tout une histoire que je ne peux que résumer !
Elle commence en août 1944 avec votre adhésion à un mouvement de résistance, l’Armée Secrète de la Loire, à l’origine de la création d’un Groupe mobile d’opérations, le GMO Revanche, dont le fanion est ici présent.
Vous avez alors à peine 20 ans, et la volonté farouche de combattre l’envahisseur. Vous vous engagez pour la durée de la guerre en Europe et rejoignez la compagnie de combat issue du GMO Revanche, aux ordres d’un polytechnicien, le capitaine de Frondeville, avec lequel vous conserverez des liens jusqu’en 2008, date de son décès. Le 5 septembre 1944, premier grand moment, vous participez à la prise d’armes place Bellecour à Lyon, marquant la libération de la ville.
Le 16 octobre suivant, votre compagnie, intégrée au bataillon de l’Armée secrète de la Loire, prend la direction d’Albertville en Savoie. Il s’agit en effet de vous préparer aux futurs combats qui vous attendent sur le Front des Alpes. Le 5 novembre, autre grand moment, vous portez le fanion de la compagnie lors de la prise d’arme présidée par le général de Gaulle.
Le 26 novembre, vous découvrez la Haute Ubaye et le Fort de Tournoux aux 954 marches ô combien évoquées dans vos souvenirs. Désormais en première ligne, votre premier ennemi est pourtant le froid. Mal équipé, mal armé, mal alimenté, il faut tenir face aux chasseurs de montagne autrichiens et bavarois, ainsi qu’aux artilleurs italiens fidèles à Mussolini.
Le 16 décembre votre unité change d’appellation pour celle de 6e compagnie du 99e RIA, le fameux 9-9. Au cours des patrouilles de reconnaissance dans le grand silence blanc, vous êtes confronté à la mort : un homme de paix, le pasteur André Wehrung est tué d’une balle en plein front, puis votre ami Jacques Rossin, mortellement blessé par l’explosion d’une mine.
Après 90 jours passés en première ligne, vous découvrez à Barcelonnette une France libérée, insouciante, loin des combats de la frontière franco-italienne. Mais bientôt c’est le retour au front. Il s’agit en effet de s’emparer du Fort de Roche-la-Croix et du col de Larche en vue de repousser l’ennemie en Italie.
Caporal-chef mitrailleur, vous participez à l’attaque du 22 avril. A 17 heures, le fort est pris. Deux morts et quatre blessés sont pourtant à déplorer à la compagnie. Puis ce sera le franchissement du col de Montgenèvre et la marche triomphale vers Bardonnèche et Suse. La guerre en Europe se termine. Vous participez, le 18 juin, au défilé de la Victoire sur les Champs Elysées. Autre grand moment !
Après une cérémonie au col de l’Iseran et une dernière mission au col frontière du Mont-Cenis, vous êtes rayé des cadres le 12 décembre 1945. C’est la fin de votre engagement après un an, trois mois et sept jours de campagne.
Redevenu civil, vous ambitionnez de prendre du galon. Stage après stage vous progressez dans la hiérarchie tout en multipliant les activités dans la réserve militaire. Promu lieutenant, vous devenez instructeur de la préparation militaire à l’Ecole des mines de Saint-Etienne, et cela pendant 15 ans.
Capitaine, chef de bataillon, lieutenant-colonel, vous êtes admis à l’honorariat de votre grade en 1981.
Vous avez présidé la réunion des officiers de réserve de Saint-Etienne et de sa région de 1973 à 1978, vous avez été vice-président de l’amicale des anciens du 99e RIA de la Ricamarie, et l’un des deux membres fondateurs du musée des troupes de montagne de Grenoble inauguré en 1988.
Cela m’amène à évoquer le 3e volet de votre personnalité, le dessinateur et aquarelliste, au coup de crayon bien affirmé, qui a mis sa qualité artistique et sa précision historique au service de la transmission de la mémoire combattante. Vos dessins ne manquent ni de pittoresque, ni d’humour. Le Service historique de l’armée de terre, s’appuyant sur vos innombrables dessins d’époque, ne s’y est pas trompé en éditant « Haute Lutte » l’histoire de la 6e compagnie du 99e RIA pendant l’hiver 1944-1945. L’exemplaire ici présent en est la preuve. Comble d’honneur, Haute Lutte fait partie de la bibliothèque de l’école de West Point, le Saint-Cyr américain, depuis 1996.
Dès la parution de « Haute Lutte », vous êtes sollicité de toutes parts. Conférences, expositions, encore et toujours des croquis, quelques fois sur des coins de table. La commune de Meyronnes en Ubayette vous a rendu hommage par une plaque fixée à l’entrée de la mairie. Le secteur fortifié du Dauphiné, le musée des troupes de montagne, et bien d’autres organismes ont bénéficié de vos talents. Que dire encore ?
Votre souci de transmettre vos mémoires au plus grand nombre vous a conduit à déposer l’ensemble de votre œuvre auprès des archives départementales de la Loire et celles de la ville de Saint-Etienne
De son côté, l’université Jean Monnet de Saint-Etienne vous a sollicité pour réaliser un CD Rom sur le thème « Résistance et Seconde Guerre mondiale ». Nombre d’étudiants sont venus chez vous pour recueillir vos souvenirs. Et puis il y a l’amicale Royal Deux-Ponts/99e et 299e RI ! Grâce à vous l’ouvrage intitulé « Le 9-9 dans la tourmente 1939 – 1945 » a bénéficié d’une extraordinaire iconographie. Quant à notre site Internet, avec votre accord, il restitue nombre de vos croquis.
Chevalier de l’ordre national du Mérite, titulaire de la croix du combattant volontaire, commandeur du Mérite militaire, vous avez reçu le prix d’honneur du soldat français en 2015 et nommé citoyen d’honneur de la commune de Meyronnes !
Mon colonel, cher Maurice. Aujourd’hui, vous êtes arrivé au terme d’un parcours difficile. Un long chemin vous attend, qui vous mener jusqu’aux étoiles, celles que vous aviez tant admirées lors de vos nuits de garde pendant l’hiver glacial de 1944-1945. Soyez rassuré, ici sur terre, vous ne serez pas oublié.
Au revoir ami, adieu mon colonel.
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CHAPELAND ANDRE (dimanche, 01 octobre 2023 11:12)
Bonjour,
Mon papa a servi au 99 ème RIA dans le groupe "Revanche". Il connaissait Maurice Passemard. Je présente toutes mes sincères condoléances à la famille.
Cordialement
André Chapeland
Gerbot Michel (vendredi, 23 août 2024 14:17)
Bonjour
Toutes mes condoléances à la famille
Mon Papa était également dans le GMO revanche
Son nom de Guerre Jimmy